L’innovation et la croissance des industries culturelles et créatives en Afrique

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Les industries créatives et culturelles (ICC) d’Afrique sont devenues un secteur de croissance et joueront un rôle essentiel dans le processus de renaissance du continent. Selon les experts, les ICC ont la capacité de catalyser le commerce intra-africain, de créer des millions d’emplois pour la jeune population du continent et, en retour, de promouvoir l’émergence de chaînes de valeur nationales et régionales. Cependant tout cela risque de tomber à l’eau si des politiques stratégiques d’investissement, de financement et de mise en œuvre ne sont pas mises en place pour exploiter qualitativement l’énorme potentiel dont regorge le continent. Une table ronde organisée le dernier jour des 29es Assemblées annuelles d’Afreximbank (AAM2022) au centre de congrès St. Regis Almasa dans la nouvelle capitale administrative du Caire, en Égypte, a appelé au dynamisme et à la complémentarité de toutes les parties prenantes sur le continent afin que le potentiel des ICC soit pleinement exploité. Cela contribuera à la réalisation du rêve de liberté et de dépendance économiques du continent.

Selon Mme Ojomo Ochai, cofondatrice et Associée directrice, en charge de la pratique de l’économie créative à CcHUB, très peu de modèles de monétisation sont développés en faveur des ICC, sans compter le manque de compréhension de ce qu’est réellement l’industrie créative. « Ce que les gens perdent de vue, c’est qu’il y a en fait tout un écosystème autour d’un film en cours de réalisation par exemple. Nous devons réfléchir davantage à l’ensemble de la chaîne de création de valeur : nous devons penser à l’équipement nécessaire à la réalisation du film, à la gestion des données, à la structure juridique et à la gestion de la propriété intellectuelle, au marketing et à toutes les autres façons de monétiser le film. Nos connaissances manquent de sophistication. La production créative n’est pas seulement quelque chose d’amusant que nos enfants font ; elle crée 10% des employés dans le monde, et nous devons voir au-delà des talents créatifs et comprendre cette sophistication pour offrir la pleine valeur », a poursuivi Mme Ojomo.

Pour sa part, le Dr Rasha Negm, vice-gouverneur adjoint de la Banque centrale d’Égypte, a indiqué que le monde de la technologie financière – fintech – connait déjà une transformation numérique visant à offrir de nouvelles solutions créatives et autonomisantes, qui reflètent des solutions répondant au comportement des consommateurs – la valorisation des ICC étant l’une d’entre elles. « Nous connaissons tous des jeunes de 16 ans qui utilisent leur téléphone pour faire du commerce en ligne et le fait que la numérisation produise des solutions aussi simples est valorisant pour les jeunes », a ajouté le Dr Negm.

Aujourd’hui, selon le Dr Nicolas Ozor, Directeur exécutif de l’African Technology Policy Studies Network (Réseau africain d’études en politiques technologiques), les ICC génèrent un revenu mondial de 2 300 milliards de dollars US et emploient 30 millions de personnes. L’Afrique arrive en bas de la liste, avec une contribution de seulement 4,2 milliards de dollars US et 2,4 millions d’emplois sur le continent. Selon lui, pour exploiter pleinement ce potentiel, l’Afrique doit dégager des fonds – les partenariats publics et privés sont essentiels au financement -, renforcer les capacités humaines, investir dans les infrastructures, qu’il s’agisse de logiciels ou de matériel, élaborer des politiques réalisables, car c’est ce qui définit ce qu’il faut faire et à quel moment, et qui s’est avéré supérieur à la science, et enfin valoriser l’écosystème, car l’innovation est systématique. « Nous avons besoin de graphistes, d’avocats et de comptables et d’un écosystème actif d’acteurs pour que l’écosystème fonctionne », a ajouté le Dr Ozor.

Le Ministre nigérian de l’Information, de la Culture et du Tourisme, qui participait aux débats, s’est exprimé sur la question du financement en plaidant pour le capital-risque. Il a notamment déclaré : « Il existe de nombreux moyens conventionnels de financement qui ont été mis à la disposition du secteur créatif, mais la vérité est que les gens ne vont pas accéder à ces fonds en raison des conditions. Par exemple, si vous voulez obtenir un financement d’un million de dollars US, vous devez apporter au moins deux millions de dollars US de garanties. Le praticien moyen du secteur créatif ne dispose pas de cette somme et devra chercher ailleurs. C’est pourquoi je plaide en faveur du capital-risque – pour faire en sorte que le financement nécessaire au secteur de la création soit disponible et accessible. Cela signifie de l’argent patient, c’est-à-dire de l’argent à long terme, dont le retour doit être garanti, quel que soit le temps que cela prendra ».

En janvier 2020, le Professeur Benedict Oramah, Président de la Banque africaine d’Import-Export (Afreximbank), a annoncé une enveloppe de 500 millions de dollars US pour soutenir la production et le commerce des produits culturels et créatifs africains pendant une période de deux ans. À cette occasion, le Professeur Benedict Oramah a indiqué que les fonds devaient être accessibles sous forme de lignes de crédit aux banques, de financements directs aux opérateurs et de garanties. Il a déclaré que l’économie créative était de plus en plus reconnue comme un secteur important et un contributeur significatif au produit intérieur brut de l’Afrique et que l’industrie contribue aujourd’hui à la croissance économique en favorisant des sociétés plus inclusives, connectées et collaboratives. « Les industries créatives peuvent être des véhicules puissants pour des stratégies de croissance plus équitables, durables et inclusives pour les économies africaines », a fait remarquer le Président Oramah. Comme la plupart des autres experts du secteur, le Professeur Oramah a toutefois noté que, si l’Afrique regorge d’un vaste réservoir de talents, elle ne dispose pas des infrastructures et des capacités nécessaires pour commercialiser ses talents créatifs et récolter les vastes fortunes qui l’attendent. En raison du sous-investissement dans les industries créatives et culturelles, l’Afrique est largement absente du marché mondial des idées, des valeurs et de l’esthétique véhiculées par la musique, le théâtre, la littérature, le cinéma et la télévision. Les pays africains importent massivement plus de biens créatifs qu’ils n’en exportent ou n’en échangent entre eux », a-t-il noté.

Il a salué la « croissance astronomique des exportations créatives de l’Égypte au cours de la dernière décennie » et l’importance croissante de l’industrie Nollywood, qui a incité le gouvernement nigérian, dans son plan de relance et de croissance économique, à prévoir des recettes d’exportation d’un milliard de dollars US pour cette industrie à partir de 2020. Le Professeur Oramah a décrit le marché africain comme le fruit le plus facile à cueillir pour les produits créatifs africains, mais a souligné que, jusqu’à récemment, « ce marché était fragmenté et balkanisé, de sorte qu’un Sénégalais en savait plus sur les produits créatifs en France qu’au Ghana ».